Éruptions de flanc et coulées de lave
La présence d’une chambre magmatique à une telle altitude —au-dessus de nous lorsque nous séjournons à Nicolosi— favorise la survenue d’éruptions sur les pentes du volcan.
La fracturation hydraulique par le magma ou le lent effondrement gravitaire des flancs du volcan peut en effet ouvrir des fractures dans lesquelles s’engouffre la lave, formant un alignement de fontaines de lave hawaïennes.
Des coulées de lave fluide s’en écoulent le long des pentes en se refroidissant sur leurs bords, érigeant des levées qui se referment progressivement jusqu’à former des tunnels dans lesquels la lave peut s’écouler sans trop se refroidir sur plusieurs kilomètres.
C’est ainsi que l’éruption de flanc de 1669 à Nicolosi a atteint en quelques mois et enseveli une partie de la ville de Catane, à plus de 20 km en contrebas.
Un faible risque de nuée ardente
Les coulées de lave, bien que très difficiles à endiguer ou à dévier, sont assez peu craintes car leur faible vitesse laisse généralement le temps d’évacuer les villages menacés, voire de démonter le mobilier, les tuiles, rails de chemin de fer et tout ce que l’on peut sauver.
Elles peuvent toutefos se révéler particulièrement dangereuses lorsqu’elles rencontrent de l’eau, qu’elles vaporisent instantanément. Le pire accident sur l’Etna eut ainsi lieu suite à l’explosion d’une citerne que l’on avait oublié de vider, projetant des éclats sur des touristes venus sans crainte admirer l’éruption.
Inversement, les coulées pyroclastiques ou nuées ardentes sont en général particulièrement redoutées car très rapides, imprévisibles et destructives.
De telles avalanches de gaz chauds et de cendres ont souvent pour origine des laves trop visqueuses qui retiennent les gaz avant de les laisser brutalement déferler sur les pentes lors de l’éruption, ou lors de l’effondrement d’un dôme dit extrusif ou peléen, d’après l’éruption de la Montagne Pelée de Martinique en 1908.
À l’Etna, le faible degré de différenciation donc la faible viscosité des laves relègue ce risque à un rang secondaire.
Toutefois, des nuées ardentes pourraient se produire suite à l’effondrement d’un panache de type plinien, comme ce fut le cas lors de l’éruption Vésuve en 79 AD (décrite par Pline le Jeune).
Mais cela reste rare : la dernière éruption sub-plinienne à l’Etna a eu lieu en 1753 sur son flanc sud à La Montagnola, et ne semble pas avoir déclenché de coulée pyroclastique notable.
De fréquentes retombées de téphras
Un risque récurrent sur les flancs de l’Etna provient des retombées de fragments solides en suspension dans le panache, les téphras, qui finissent par sédimenter par gravité.
À la différence des bombes, projetées par le volcan et qui suivent une trajectoire balistique avant de s’accumuler à proximité en un cône strombolien, les téphras s’élèvent suite à la convection thermique provoquée par la chaleur du volcan, et sont ensuite transportés par les vents dominants.
Ceux-ci soufflant de l’ouest, les dépôts de ce type sont très rares sur le flanc ouest, tandis qu’il s’en produit en moyenne deux par an sur le flanc est et nord-est.
Les plus grosses de ces particules atteignent plusieurs dizaines de centimètres de diamètre.
Appelées scories, ou plus précisément ponces si elles peuvent flotter, elles se déposent dans le premier kilomètre autour du cratère.
Plus loin, au niveau des villages de flanc comme Zafferana ou Milo, se déposent les lapilli, plus fins, dont l’accumulation peut dépasser une dizaine de centimètres.
Ce dépôt perturbe grandement la circulation automobile, et les tentatives pour les balayer ne font qu’accroître les problèmes de santé qu’ils soulèvent en remettant en suspension des nuages de particules fines.
Les blessures directes sont rares, cependant un risque important provient de l’effondrement des toits sous le poids de ces particules.
Enfin, les cendres les plus fines peuvent être transportées à plusieurs centaines de kilomètres de distance jusqu’en Calabre ou en Grèce.
Leur présence dans l’air pose de nombreux problèmes à l’aviation (érosion des turbines, endommagement des capteurs…) et oblige les appareils à systématiquement contourner le panache voire se détourner vers Palerme en cas d’éruption.
L’ensemble de ces téphras est appelé aérosols primaires : des particules solides en suspension, composées de minéraux, verre volcanique et morceaux de roche arrachés au soubassement ou à la cheminée magmatique par la remontée de la lave.
Pluies acides et effet sur le climat
Les volcans actifs sont sous haute surveillance à cause d’un autre type d’aérosols, plus discrets et dits secondaires : en effet, il s’agit de gouttelettes liquides qui condensent tardivement après avoir été émises par le volcan sous la forme de gaz précurseurs.
L’Etna émet ainsi en permanence une grande quantité de gaz, notamment de la vapeur d’eau, qui se condense sous la forme d’un nuage classique, presque toujours présent au sommet.
Ces vapeurs contiennent également une grande quantité de CO2 et de soufre, sous la forme notamment de H2S et de SO2.
Ce dernier se combine alors avec l’eau pour former de l’acide sulfurique liquide qui se dilue dans des gouttelettes d’eau, augmentant le risque de pluies acides.
Néanmoins, le principal risque associé aux aérosols secondaires se situe dans la stratosphère, sèche et stratifiée donc dénuée de mécanismes d’« auto-nettoyage » tels que la pluie.
Là, ces gouttelettes d’acide —et non pas les cendres !— réfléchissent la lumière solaire, pondérant ainsi une partie du réchauffement climatique pendant plusieurs années, avant d’être évacuées au niveau des pôles.
Lors de rares éruption dites stratosphérique, la convection thermique est suffisante pour percer la tropopause vers 12 km d’altitude et injecter les gaz directement dans la stratosphère.
La plupart du temps, les éruptions modérées et le dégazage permanent de l’Etna ne touchent toutefois que la troposphère, domaine des phénomènes météorologiques, de laquelle ils peuvent tout de même se diluer vers la stratosphère selon un mécanisme peu quantifiable.
C’est pourquoi les volcans ont un rôle ambigu dans les rapports du GIEC sur le climat, cet « effet parasol » contrebalançant a priori les émissions par le volcan de gaz à effet de serre, CO2 et SO2 notamment.
Simon Bufféral