L’activité « etnéenne » : un volcanisme atypique

Le centre éruptif de l’Etna

L’activité volcanique commença il y a plus de 500 milliers d’années sous la mer, formant les coussins ou pillow-lava que l’érosion éventre en de magnifiques orgues basaltiques sur lesquelles repose la forteresse d’Aci Castello et les Îles Cyclope d’Aci Trezza.
L’activité se déplaça ensuite sur Terre, jusqu’à former le grand complexe de la Valle del Bove, dont la chambre magmatique s’est effondrée il y a 80 milliers d’années après avoir émis une trop grande quantité de magma.

Depuis douze mille ans, une grande partie des coulées de lave en provenance du Mongibello, le nouveau centre éruptif, s’écoule ainsi dans la Valle del Bove, cirque de plus de 5 km de rayon témoignant de l’ampleur de la caldéra (« chaudron ») creusée par cet effondrement.

Actuellement, l’essentiel de l’activité se produit au niveau des cinq cratères sommitaux, dont le nombre et la morphologie changent rapidement, même à échelle humaine : le point culminant se situe au niveau du Cratère Nord-Est, maintenu à 3320 m d’altitude malgré un effondrement de deux de ses flancs en 2016.
Une grande partie de l’activité récurrente se produit aux cratères centraux, Voragine et Bocca Nuova, dont on peut faire le tour par temps calme quand les gaz et les nuages ne sont pas trop plaqués au sol.
Mais depuis notre visite, un cône volcanique s’est érigé au cœur de la Voragine, transformant cette dépression en un nouveau sommet…
Enfin, le Cratère Sud-Est, qui a moins de vingt ans, et surtout le Nouveau Cratère Sud-Est, qui a crû sur ses pentes a une vitesse peu commune, concentre une bonne partie de l’activité etnéenne typique.

L’activité « etnéenne » : panache et fontaines de lave

L’activité à l’Etna nous a semblé assez particulière pour requérir un qualificatif propre : etnéenne.
Souvent décrites comme des « fontaines de lave » sur le modèle des volcans rouges effusifs, dits hawaiiens d’après le Kīlauea à Hawaii, certaines éruptions de l’Etna peuvent en effet projeter de la matière en fusion à des hauteurs inhabituelles : jusqu’à trois kilomètres au-dessus des cratères.

Cependant, ces éruptions génèrent en parallèle un important panache volcanique de gaz, de cendres et de téphras : des plus gros fragments de lave durcie, qui peut s’élever sur plus de 10 kilomètres.
Un tel panache l’ancre en partie dans la famille plinienne ou explosive, fréquente chez les volcans gris de subduction ; rare chez les volcans rouges.

En outre, une partie des éruptions de l’Etna consiste en une succession d’explosions de bulles de gaz qui se fraient un chemin dans le magma toutes les cinq à vingt minutes et viennent éclater en surface, produisant des gerbes de bombes volcaniques et de petites coulées de lave, comme au Stromboli (avant cet été) : c’est le style strombolien ou mixte, mais particulièrement intense ici.

Cette intensité inhabituelle s’explique probablement par le réservoir de magma très superficiel de l’Etna, entre un et deux kilomètres sous les cratères, soit à plus de 1000 m d’altitude, lui permettant de générer une activité soutenue pendant plusieurs heures sans s’essouffler.

Surveillance de l’activité sommitale

La présence permanente de lave dans cette chambre superficielle peut être mise en évidence par les trémors, bruits que fait le magma en se déplaçant dans les conduits et les bulles de gaz en éclatant à la surface.
Trop graves pour être entendus par l’Homme, ils se déplacent dans la roche de la même manière que les ondes sismiques ou les sons dans l’air, par une série de compressions-dilatations du milieu.
Comme pour les ondes sismiques, les mouvements du sol qu’elles engendrent peuvent alors être captés par des sismomètres qui permettent de localiser ces bulles et ainsi de suivre le remplissage et l’activité de la chambre.

Ce signal est particulièrement surveillé par les volcanologues car le gaz est le principal moteur de la remontée du magma, devant la poussée d’Archimède liée à sa plus faible densité.
Deux mécanismes principaux de déclenchement d’éruptions sont ainsi évoqués selon la nature des signes précurseurs et la composition des magmas.

Une brutale émission de trémor proche de la surface suggère l’effondrement d’une couche d’ « écume de lave » devenue instable, déclenchant un dégazage catastrophique et l’émission de grandes quantités de lave en fontaine.
Le magma, ayant ainsi passé quelques mois à années dans la chambre, a alors eu le temps de changer de composition en formant ses premiers cristaux et est donc dit évolué ou différencié.

À l’inverse, une recrudescence de sismicité en profondeur, localisée par un réseau de sismomètres en surface, suggère une remontée de nouveau magma par fracturation des roches encaissantes, pouvant également déclencher une éruption en se mélangeant au magma déjà présent dans la chambre.
Les laves émises sont alors de composition intermédiaire entre un type évolué et un type primitif, dont on peut ainsi déduire les caractéristiques.

Simon Bufféral

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